RDC: Le Président a-t-il revu ses convictions?

D’aucuns se souviennent encore de ses mots: «Ça ne sert à rien de vous battre pour des morceaux des terres alors que c’est l’East African Communuty qui deviendra notre pays…»

Alors que le fils du Sphinx de Limete, Félix Tshisekedi, prêtait serment devant la nation congolaise et le monde entier, le 24 janvier 2019, comme Président de la République marquant ainsi la première alternance civilisée du pouvoir, une de ses ambitions était déjà de connecter la République démocratique du Congo à l’Afrique. Il se battra pendant les trois années qui suivront, notamment, pour obtenir l’adhésion du pays de Lumumba à l’East African Community (EAC), organisation sous régionale comptant en son sein le Sud Soudan, la Tanzanie, l’Ouganda, le Burundi, le Rwanda et le Kenya. ce qui fut fait en juillet 2022. Le ministre congolais des Affaires étrangères d’alors, Christophe Lutundula, déposait à Arusha, tous les instruments de ratification de l’adhésion du traité instituant la communauté.

Une grande victoire pour le Président Tshisekedi qui, alors, voyait tous les avantages notamment politiques, diplomatiques, économiques, ou encore sécuritaires que cela offrirait au pays et aux Congolais. L’on se souvient encore de ses mots:

«Ça ne sert à rien de vous battre pour des morceaux des terres alors que c’est l’East African Communuty qui deviendra notre pays, en fait. Donc, chers compatriotes, veuillez vraiment continuer à suivre la voix de la raison comme vous avez commencé. Ne vous méfiez pas de moi, ne vous méfiez pas du gouvernement, parce que nous ne sommes pas là pour vous faire du tort».

(https://youtube.com/shorts/5vxpMZUzAsQ?si=OkAqnn5qAhpaw1z2

Voilà qui donnait, peut-être, son interprétation de l’article 217 qui dispose: «La République démocratique du Congo peut conclure des traités ou des accords d’association ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l’Unité africaine».

Près de deux ans après, au lendemain de son élection pour son second mandat constitutionnel, le Président congolais ne nourrit vraisemblablement plus les mêmes convictions. Dans un meeting populaire tenu samedi 16 novembre 2024 à Lubumbashi, Félix Tshisekedi, se montrant très engagé dans la campagne pour le changement de la Constitution (ce qui est tout à fait légitime), a dénoncé cet article 217 de la Constitution congolaise, qu’il considère comme une menace à la souveraineté nationale.

« Demander aux Congolais de ne pas revoir leur Constitution alors qu’il y a le fameux article 217 qui consacre la vente de notre souveraineté à des États africains? Et nous n’avons pas le droit de revoir cela? Il y a des hommes de Dieu qui ont osé prendre la parole pour défendre cette ignominie. Le pays est en danger. Je suis l’un des Congolais les mieux placés pour comprendre cela», a déclaré le fils du Sphinx. 

Une telle déclaration du Chef de l’Etat impose un certain questionnement. L’article 217 dont question n’est-elle dans la Constitution que depuis 2024? La Constitution de 2006 est-elle la seule à avoir intégré pareille disposition? Les autres pays qui adhèrent aux traités et autres communautés africaines perdent-ils aussi une partie de leur souveraineté? Le dernier traité signé pour l’adhésion de la RDC à l’EAC a-t-elle consacré la perte d’une partie de notre territoire?… Aussi, que fera alors le président Tshisekedi de l’acte d’adhésion, sous son leadership, de la République démocratique du Congo à l’EAC? Voilà autant de questions auxquelles on espère avoir des réponses afin de mieux comprendre sa position.

Une cohérence constitutionnelle constante…

Qu’à cela ne tienne, l’on se souvient que l’article 77 de la Constitution du Zaïre du 15 août 1974, est  littéralement pareil à l’article 217. De même que l’article 115 de l’acte constitutionnel de la transition zaïroise du 9 avril 1994. Ce qui n’a pas empêché le pays de garder son intégrité territoriale en faisant partie de l’Organisation de l’Union africaine devenue Union Africaine, de la CIRGL (CPGL avant), de la COMESA, de la SADC, et tant d’autres dans le respect des articles 213, 214, 215, 216 et 217 de la Constitution. Le pays, dans son histoire, a même eu l’honneur d’être à la tête de certaines d’entre ces organisations.

En effet, en regardant la question dans une perspective moderne, l’on peut voir que la perte d’une partie de la souveraineté du pays est un fait plutôt normal dans un siècle encore plus tourné vers l’intégration. La France, à titre illustratif, n’est pas moins France du faite de son appartenance à la zone Schengen, ou mieux encore à l’Union Européenne où, à certains égards, des lois européennes priment sur des lois françaises! 

Changement de la Constitution envers et contre tout…  

Dorénavant, la tension est palpable. Le Président Tshisekedi tient mordicus à changer la Constitution. «Qui est celui-là qui va m’interdire moi, le garant de la Nation, de ne pas le faire?», a-t-il lâché à Lubumbashi, arguant que le projet n’a rien à voir avec un quelconque troisième mandat. Il a cependant mis en garde ceux qui voudraient manipuler la population, brandissant le risque d’être «exposés à des poursuites».    

Dans une vidéo diffusée sur son compte X, Delly Sesanga balaie les arguments qui fondent la conviction du Président.

«La manipulation, c’est lorsque vous versez dans une interprétation iconoclaste de l’article 217 de la Constitution par un faux bruit, en faisant croire que cet article expose le Congo à céder des territoires à des Etats voisins», soutient-il.

Et d’ajouter: «La manipulation c’est lorsque vous essayer de faire croire encore que c’est la Constitution qui vous empêche de ramener la paix à l’Est et de recouvrer la souveraineté sur les territoires occupés alors que en réalité vous bénéficiez  de plein pouvoir et de tous les moyens consacrés par notre parlement à la lutte contre ce fléau qui déchire notre pays». Pour cet opposant, le Chef de l’Etat «inocule la peur dans la population au lieu de la rassurer».

Il estime que le Président Tshisekedi tire un bénéfice strictement personnel du changement de la Constitution car  cela remettrait le compteur à Zéro. «La manipulation c’est ce bénéfice personnel que vous recherchez et contre lequel tous les défenseurs de la constitution se battent, à savoir: que le nombre de mandats du Président de la République ne doit plus dépendre du bon vouloir du prince mais de la loi, de la constitution, à savoir l’article 220».

Il y a péril en la demeure. Ce débat enflamme la scène politique et impacte la société. Il est donc naturel de craindre que le gouvernement fasse la part belle aux jeux politiques plutôt au détriment des attentes réellement vitales de la population et l’insécurité à l’Est. 

MATSHI Darnell

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