Crise sécuritaire en RDC : L’Église catholique sous le feu des critiques pour sa position sur le dialogue

L’idée du dialogue, tant aimée que redoutée par les Congolais, refait surface alors que la crise sécuritaire à l’Est de la RDC atteint un autre niveau avec l’incursion du M23 et des forces rwandaises dans la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. Depuis quelques jours, la Conférence épiscopale nationale du Congo et l’Église du Christ au Congo se sont lancées dans les consultations dans le cadre du pacte social pour la paix (Ubuntu).
En clair, les deux Églises soutiennent l’idée d’un dialogue, incluant entre autres Corneille Nangaa, coordonnateur de l’AFC/M23 pour la paix dans la partie Est. Avec l’homélie du Cardinal Ambongo de dimanche dernier martelant sur cette idée, l’Église catholique est une nouvelle fois au centre du débat politique en République Démocratique du Congo. Après les attaques de Peter Kazadi, ancien Vice-premier ministre en charge de l’Intérieur et les critiques acerbes de Florimond Muteba de l’ODEP, le parti présidentiel, UDPS, est, lui aussi, monté au créneau.

Désormais, entre soupçons de collusion avec les forces déstabilisatrices du pays et désaccords sur la gestion de la crise sécuritaire, une fracture profonde semble se dessiner entre le pouvoir, la société civile et l’Église.

Accusations de collusion avec des forces de déstabilisation

Il y a quelques jours, l’ancien ministre Peter Kazadi, cadre de l’UDPS, a, via une longue publication sur le réseau social X, accusé certains leaders religieux, (l’Église catholique sous-entendue) de se laisser entraîner dans des agendas nuisibles pour la nation. Il leur reproche de ne pas jouer pleinement leur rôle dans la préservation de la cohésion sociale et va plus loin en affirmant détenir des preuves de collusions entre ces acteurs religieux et des initiatives visant à affaiblir les institutions congolaises. « Si ces personnes ne se repentent pas, nous n’hésiterons pas à rendre ces preuves publiques », a-t-il prévenu.

De son côté, Florimond Muteba, président de l’Observatoire des dépenses publiques (ODEP), encore plus radical, a fustigé, ce 12 février, l’attitude de l’Église catholique qu’il accuse de trahir la souveraineté nationale en cherchant à imposer un dialogue avec des groupes armés. Pour lui, toute négociation avec les rebelles revient à affaiblir la position de la RDC face à l’agression rwandaise. Il estime que Félix Tshisekedi ne devrait pas faire la moindre concession et dénonce toute tentative d’ouverture envers des acteurs ayant pris les armes contre le pays. « Le M23 est un groupe terroriste. Il n’y a pas de négociation possible avec des criminels. Il faut une réponse militaire ferme et définitive », a-t-il martelé, s’insurgeant contre ceux qui prônent encore un dialogue avec ces forces.

L’UDPS : Une posture plus modérée

Contrairement à Florimond Muteba, l’UDPS se montre plus modérée. Le parti présidentiel affirme suivre avec attention les démarches diplomatiques entreprises au niveau international et régional, notamment les processus de Luanda et de Nairobi. Elle condamne fermement les actions du M23/AFC, qu’il considère comme une marionnette du Rwanda. Cependant, le parti présidentiel reconnaît que le dialogue reste un levier à exploiter pour résoudre certains conflits internes avec les groupes armés congolais. Toutefois, l’UDPS rejette catégoriquement toute tentative de négociation hors des cadres institutionnels déjà établis. Il accuse certains acteurs religieux de vouloir imposer un dialogue en dehors du processus de Nairobi, une initiative qu’il qualifie de dangereuse et irresponsable. « En tentant d’amener à la table de négociation le M23/AFC, ces leaders religieux ont non seulement violé les principes établis par la communauté internationale, mais aussi piétiné la mémoire de millions de Congolais victimes de la barbarie de ce groupe », dénonce l’UDPS, tout en rappelant que l’Église n’a pas vocation à se substituer aux institutions de la République.

Une fracture grandissante entre l’Église et le pouvoir

Entre les graves accusations de Peter Kazadi, l’intransigeance de Florimond Muteba et la posture plus diplomatique de l’UDPS, l’Église catholique se retrouve dans une position délicate. La grande question est désormais de savoir si l’Église choisira de réagir officiellement à ces accusations ou préfèrera-t-elle maintenir le silence face à la tempête en continuant dans sa lancée. Une chose est sûre : dans un contexte sécuritaire aussi critique, les leaders congolais ont la lourde responsabilité d’opérer des choix qui impacteront l’avenir du pays.

Osée MABIALA

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