Une trentaine d’organisations de la société civile congolaises, réunies au sein du Comité de coordination des actions de plaidoyer de la Société civile impliquées dans la gouvernance des ressources naturelles, tirent la sonnette d’alarme ce 30 avril 2025 à Kinshasa. Dans un communiqué conjoint, elles dénoncent un scandale de détournement de fonds publics estimé à 10 millions de dollars américains, initialement alloués par le gouvernement pour le développement communautaire du territoire de Muanda, au Kongo-Central.
Gérés par la Commission de Gestion des Fonds Muanda (CGFM), Cet argent était destinés à des projets d’infrastructures en faveur des populations affectées par l’exploitation pétrolière. Selon un rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF), rendu public récemment, la quasi-totalité de l’enveloppe a été détournée ou mal utilisée.
« Sur les 10 millions USD, seuls 4 692,40 USD figuraient encore sur le compte de la CGFM au 4 juin 2024 », souligne le rapport. Pire encore, plus de 8,4 millions USD ont été engloutis dans des projets non réalisés ou abandonnés, tandis que des montants importants ont été versés à des particuliers sans justificatifs, notamment à l’ancien ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu, actuellement ministre des Sports.
Parmi les nombreuses irrégularités documentées : retrait en espèces de plus de 3 millions USD en violation des normes bancaires ; paiements injustifiés de 1,2 million USD sans pièces probantes ; 300 000 USD alloués à des « manifestations et cérémonies diverses » sans documentation ; 275 000 USD versés à la présidente de la CGFM pour des cérémonies non identifiées ; recrutement irrégulier d’un superviseur sans appel d’offres ni contrat formel
Face à l’ampleur de ces détournements, les OSC pointent du doigt l’inaction des autorités. « Malgré l’évidence des faits, aucune enquête judiciaire n’est ouverte à ce jour », déplorent-elles, rappelant d’autres scandales restés impunis tels que Bukanga Lonzo ou le Programme des 100 jours
Les OSC formulent des recommandations claires. Elles appellent le Procureur général près la Cour de cassation à engager des poursuites judiciaires contre toutes les personnes impliquées. Elles demandent à la Cour de cassation de traiter les dossiers avec célérité et d’ordonner la restitution des fonds au profit des communautés de Muanda.
Elles exhortent également la Première Ministre à suspendre Didier Budimbu de ses fonctions, à dissoudre la CGFM et à créer une nouvelle structure de gestion des fonds, basée à Muanda et incluant des représentants des communautés locales. Enfin, elles insistent sur la nécessité d’établir des mécanismes clairs de transparence et de redevabilité
« Les populations de Muanda, premières victimes de l’exploitation pétrolière, sont une fois de plus sacrifiées. Elles attendent des actes, pas des promesses », conclut le communiqué signé par 32 organisations, dont SARW, AFREWATCH, ACIDH, LICOCO, CENADEP et bien d’autres
Ce nouvel appel sonne comme un cri de détresse et un ultimatum citoyen lancé aux autorités congolaises. L’impunité ne peut plus être la règle. La justice, la transparence et la redevabilité doivent enfin devenir la norme dans la gestion des ressources naturelles en RDC.
Précieuse PETU