La médiation entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda perd son principal artisan. Joâo Lourenço, président de l’Angola, a annoncé ce 12 février qu’il se retire du processus, estimant que son mandat à la tête de cette médiation touche à sa fin. Dans une interview accordée à Jeune Afrique, il justifie cette décision par la complexité croissante des conflits africains et la nécessité de se recentrer sur ses responsabilités au sein de l’Union africaine.
« Notre continent traverse une période difficile marquée par des conflits entre la RDC et le Rwanda, mais aussi au Mozambique et au Soudan, par le terrorisme et par des changements de régime anticonstitutionnels. Ce sont autant de dossiers à gérer dans le cadre de la présidence de l’UA. De ce fait, il est temps pour moi de passer le témoin à un autre chef d’État concernant la médiation entre Kinshasa et Kigali », a déclaré le président angolais.
Si ce retrait est un tournant dans la gestion diplomatique du conflit entre la RDC et le Rwanda, c’est surtout la proposition qui l’accompagne qui pourrait modifier profondément l’approche congolaise. Lourenço invite en effet Kinshasa à ouvrir un dialogue direct avec le M23, groupe rebelle soutenu par Kigali et dont les exactions ont conduit la RDC à exclure toute négociation.
Depuis la résurgence du M23 en 2021, le gouvernement congolais a toujours maintenu une position ferme : aucun échange ne serait envisageable avec ce mouvement qualifié de « force terroriste ». L’option défendue par Lourenço va donc à l’encontre de la ligne adoptée par Kinshasa, qui privilégie une solution militaire et diplomatique, mais sans implication directe des rebelles dans les négociations.
Pourtant, le chef d’État angolais insiste sur la nécessité d’un dialogue inclusif, prenant en exemple la propre expérience de son pays.
« Les autorités congolaises ont conscience de la nécessité de parler à toutes les parties, y compris au M23. Et nous avons plaidé en ce sens auprès du président Félix Tshisekedi en rappelant notre propre exemple », a confié Lourenço. Il évoque ainsi la fin de la guerre civile en Angola, qui n’a été possible que grâce à des négociations ouvertes avec toutes les forces en présence, y compris les troupes sud-africaines de l’apartheid et la rébellion de l’UNITA.
En se retirant de la médiation, Lourenço laisse une dynamique inachevée. Son engagement avait permis de maintenir un canal de communication entre Kinshasa et Kigali, bien que sans percée majeure. Son successeur dans ce rôle, qui n’a pas encore été désigné, devra affronter un défi de taille : rétablir la confiance entre les parties et trouver un consensus acceptable sur la question du M23.
En attendant, le président congolais se retrouve face à un dilemme. Suivra-t-il les conseils de Lourenço en s’engageant dans un dialogue direct avec le M23, au risque de heurter une opinion publique majoritairement opposée à toute concession aux rebelles ? Ou bien poursuivra-t-il la stratégie actuelle, misant sur la pression diplomatique et l’appui militaire régional pour obtenir un règlement du conflit sans compromis politique avec le M23 ?
Le départ de Joâo Lourenço ouvre donc une nouvelle phase d’incertitude dans la gestion de cette crise. Reste à savoir si Kinshasa prendra en compte sa recommandation ultime.
Osée MABIALA