En République démocratique du Congo, où les cicatrices des conflits peinent à se refermer, la Plateforme des Confessions religieuses et la Commission d’Intégrité et Médiation Électorales (CIME) portent une initiative audacieuse: celle d’un nouveau dialogue national fondé sur la réconciliation, l’inclusivité et la guérison des blessures profondes. À rebours des accords politiques précédents, cette démarche vise à sortir d’une logique de partage de pouvoir pour remettre les Congolais au centre de leur propre avenir.
Une réponse aux échecs des dialogues passés
Le président de la CIME, Idryss Katenga dresse un constat sans concession: « Tous ces forums passent la plupart du temps à côté de l’essentiel parce qu’ils se terminent par des compromis politiques. On se partage des pouvoirs, mais on ne se préoccupe pas des causes profondes ». De Sun City à l’accord de la Saint-Sylvestre, les précédents dialogues n’ont su empêcher le retour cyclique du spectre de la guerre. C’est dans ce contexte que les confessions religieuses proposent « un dialogue, mais dans une démarche différente », insistant sur la préparation rigoureuse et la consultation de toutes les parties prenantes, sans exclusion.
Une volonté de parler à tous les Congolais
La singularité de « l’initiative interconfessionnelle pour la Paix et la Réconciliation en RDC » repose sur son ouverture totale. Elle envisage des rencontres avec les acteurs politiques, la société civile, les groupes armés et même la diaspora. Idryss Katenga insiste: « Comment allez-vous réconcilier les Congolais si vous excluez certains à cause de ce qu’ils ont fait ?»
Rejetant toute forme de stigmatisation, la plateforme et la CIME entendent faire asseoir « tout le monde autour d’une table » pour comprendre pourquoi les anciens processus ont échoué.
L’attitude d’Idryss Katenga est à la fois ferme et sereine, évitant les polémiques individuelles tout en tenant un cap clair: « Moi je ne veux pas personnaliser le débat », affirme-t-il avec une détermination empreinte de respect lorsqu’on lui pose la question sur Corneille Nangaa, coordonnateur de l’AFC/M23.
Réconcilier avant de gouverner
Le mot d’ordre est clair: la paix ne passera pas uniquement par la diplomatie ni par les armes. Selon le président de la CIME, la priorité n’est pas la gestion du pouvoir mais la cicatrisation des fractures sociales: « Nous devons d’abord soigner toutes les fissures », martèle le président en évoquant les conflits communautaires, le phénomène Mobondo ou encore l’affaiblissement des autorités traditionnelles. Ce diagnostic lucide et sans complaisance tranche avec les initiatives passées, et propose une lecture collective du mal congolais.
Une démarche nationale… et inclusive
La CIME refuse de considérer certaines régions comme périphériques: « Nous ne considérons pas le Nord-Kivu et le Sud-Kivu comme un pays à part ». L’initiative prévoit des consultations dans tout le pays, y compris auprès des Congolais de l’étranger. L’objectif est de produire un « narratif de paix » qui rassemble, en tenant compte des douleurs locales et des réalités diverses.
Dans une RDC où les institutions vacillent et où les initiatives se multiplient au fil des années sans résultats probants, les confessions religieuses restent un repère moral et un levier d’espoir. Parce qu’elles sont censées êtres proches du peuple, au-delà des clivages politiques ou militaires, elles incarnent une autorité spirituelle capable de se fédérer et de fédérer les Congolais autour de la paix. « Il n’y a personne qui a le monopole de l’amour du pays », rappelle le président Katenga, en appelant à une compétition d’idées plutôt qu’à une confrontation de postures.
Avec cette initiative, la CIME et la Plateforme des confessions religieuses ne promettent pas une solution miracle, mais elles proposent un cadre nouveau: celui d’un dialogue pensé comme un processus, enraciné dans la réalité du Congo et dans le cœur de ses citoyens.
Hugo Robert MABIALA